De consommateurs à consomm'acteurs?

Publié le par KARINE SOUVANHEUANE

Les questions énergétiques et environnementales constituent des enjeux politiques, techniques et économomiques mais elles semblent également avoir pris une part de plus en plus importante dans la préoccupation des citoyens. Entre l'augmentation des prix de l'énergie, les interrogations sur le nucléaire, le développement des énergies renouvelables, l'ouverture des marchés à la concurrence,... il peut être intéressant de savoir quelle est la position des consommateurs dans toutes ces problématiques. Autrement dit, les choix de société sont-ils impulsés par la demande des consommateurs, par l'exercice des marchés ou par des décisions étatiques?

Le débat BIP/Enerpresse d'hier, intitulé "les enjeux sociétaux d'un changement de mix énergétique" a été organisé pour tenter de répondre à ces questions. Le débat était animé par François Xavier HERMELIN, Directeur éditorial du groupe Moniteur, et rassemblait quatre invités :
_ Karine VERNIER, directrice adjointe direction commerciale GRTGaz

_ Jérémie HADDAD, senior manager Accenture ;
_ Jacques ROGER-MACHART, associé gérant d'EDR ;
_ Frédéric PLAN, délégué général FF3C.

Nous rappelerons ici les éléments importants qui ont été abordés lors du débat et une analyse personnelle viendra compléter certains points.

 

Quelques précisions sur les services supplémentaires et sur la dépendance aux opérateurs historiques

Le débat a débuté par une présentation de quelques résultats de la dernière édition de l'enquête d'Accenture sur les nouveaux consommateurs d'énergie.

 

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Deux informations sont représentés sur le graphique ci-dessus pour avoir un premier constat sur la disponibilité à payer et le consentement à recevoir des consommteurs des différents pays concernés par l'étude. Les données françaises sont celles entourées d'un cercle rouge. 

_ En bleu est représentée la proportion des personnes qui se déclarent prêtes à payer plus pour recevoir des services (informations sur la consommation, conseils, audits,...) et/ou des produits supplémentaires (plus de production issue d'énergies renouvelables,...). Les français ayant une disponibilité à payer positive pour ce type de services sont très minoritaies puisqu'ils ne seraient que 7%. Jérémie HADDAD explique cela par un manque d'appétence des consommateurs mais également par une insuffisance de disposition des fournisseurs d'électricité à offrir ce type de services.

_ En rouge est représentée la proportion des personnes qui se déclarent prêtes à accepter un service client limité, en contrepartie d'une réduction du prix de l'électricité. Cette fois, 68% des français se disent un peu, voire très intéressés.

Ainsi, le prix des services, voire leur gratuité partielle comme le préconisait l'UFE pour accompagner le déploiement des compteurs Linky, est donc un facteur déterminant à leur accès par la population.

 

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Second constat : malgré une baisse de la satisfaction des consommateurs français vis-à-vis des fournisseurs par rapport à 2011, ils ont encore du mal à se détacher de l'opérateur historique et du tarif réglementé. Ainsi, seuls 7% seraient prêts à changer de fournisseur dans les 12 mois à venir.

 

Entre savoir, pouvoir et vouloir

De nombreuses études, dont celle menée par le Centre d'Analyse Stratégique sur la consommation durable, montre une volonté de la population de consommer plus responsable, plus "intelligemment". Or, dans les faits, les actions concrètes restent assez limitées. Comment peut-on expliquer ce paradoxe?

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Le graphique ci-dessus n'a pas été présenté lors du débat mais soutient l'idée développée par Jacques ROGER-MACHART selon laquelle les consommateurs français ont été jusque-là peu incités à être plus responsables dans leur demande d'énergie. Les autorités publiques y sont en partie responsables en présentant la fourniture d'énergie comme "un service public", bien que ce ne soit plus véritablement le cas. Les citoyens auraient alors "délégué" les questions énergétiques et celles de la maîtrise de la demande d'énergie aux autorités concernées.

Notons que le manque d'information et de sensibilisation n'a pas été abordé mais ce problème est bien réel, comme peuvent le révéler les enquêtes du CREDOC ou d'IPSOS - Logica. Il a néanmoins été rappelé que les compteurs LInky ne permettent pas en soi aux consommateurs de faire des économies d'énergie (voir l'article du 26 Avril).

 

En conclusion, comme l'a rappelé Frédéric PLAN, les principales actions restent des décisions d'Etat à travers les choix d'organisation de la production, de réglementation et de fiscalité. Il met l'accent sur l'importance du développement des énergies renouvelables telles que la biomasse et le biocarburant de 3ème génération. Pour Karine VERNIER, le gaz naturel et ses autres formes (biogaz, biohydrogène, gaz naturel de synthèse,...) sont des sources d'énergie qui joueront un rôle important de "pilier dans la transition énergétique". GRTGaz se dit favorable a une modification des sources d'énergie et disposerait de réseaux capables de les accueillir. 

Quant aux fournisseurs d'électricité et de gaz français, ils ne semblent aujourd'hui pas réellement menacés par la libéralisation des marchés de l'énergie mais devront tout de même faire face à une plus grande différenciation de la clientèle. En effet, alors que la distinction ne se faisait que par la capacité souscrite, cerains attendent désormais un accroissement des services et leurs avis pourraient prendre de plus en plus de poids dans l'avenir.

D'après ROGER-MACHART, ce qui pourrait changer pour la société, c'est essentiellement :
_ une politique de réaménagement du territoire : le gouvernement montre une véritable volonté de réduire au maximum les déplacements contraints qui sont notamment les trajets entre le domicile et le lieu de travail, ou du moins de développer plus densément les réseaux de transports en commun dans certaines zones.
_ une plus grande information fournie aux consommateurs. Cependant, plus de détails sur le rôle du consommateur devrait être apportés lorsqu'aura lieu le grand débat sur l'énergie voulu par François HOLLANDE.

_ une tarification qui serait plus représentative de la réalité des marchés pourait être envisagée.

_ les services énergétiques seraient délégués car les particuliers disposeraient finalement de peu de moyens de maîtrise de l'énergie. Reste à savoir qui en serait responsables : les collectivités locales? le distributeur? les fournisseurs? les sociétés privées?

Jeremie HADDAD a signalé qu'une "forte minorité" serait intéressée par l'efficacité énergétique et plus précisément par les programmes dîts de "set-and-forget". La domotique "intelligente" pourrait alors attirer certains consommateurs mais l'Intelligent Energy Europe tend à démontrer que la demande (sur un panel interrogé non-représentatif) pour de tels appareils varient selon leur fonction et reste relativement limitée par rapport à ceux dîts de "basse consommation". Au final, l'évolution du prix de l'électricité et le coût des services et des appareils nécessaires seront certainement déterminants dans le changement de comportements des consommateurs.

Publié dans Energie

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